C'est l'histoire d'une révélation. Quand Antonin Baudry, normalien, ancien du cabinet de Villepin, diplomate, passé enfin avec armes et bagages du côté du cinéma - sa passion de toujours -, a embarqué pour la première fois dans un sous-marin, à Brest, il fut comme envoûté par la poésie des sons, des voix et des images » à l'intérieur de cette coque d'acier coupée du monde. Il renouvela l'expérience plusieurs fois, jour et nuit sous l'eau, à observer la vie, les gestes, les automatismes des sous-mariniers - marins pas comme les autres. Fasciné par ce monde à part qui a ses codes, l'auteur à succès de la BD Quai d'Orsay sous le pseudonyme d'Abel Lanzac, adaptée au cinéma par Bertrand Tavernier, tenait là le sujet et les personnages de son premier film. Restait à l'écrire et à convaincre les producteurs de financer un tel projet, ambitieux et… coûteux. Fan du cinéma d'action de Hongkong John Woo, Tsui Hark, Wong Kar-wai, il avait en tête de raconter l'histoire de ces hommes d'honneur confrontés en permanence au danger, à la menace qui rôde. Avec pour viatique cette citation d'Aristote qui ouvre son long-métrage Il y a trois sortes d'hommes les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer. » Ainsi est né Le chant du loup, pari fou et grand film où action et suspense sont propulsés par des hommes solidaires les uns des autres et qui ne portent pas de masque. Le pitch ? Que se passe-t-il lorsqu'un jeune sous-marinier qui a le don rare d'identifier les sons qu'il entend se trompe ? Dans le sous-marin nucléaire L'effroyable, on l'appelle l'oreille d'or . Il écoute et ne voit rien. Le commandant ne fait rien sans lui, sans savoir à quel navire de guerre appartient tel bruit d'hélice ou de moteur… Et, quand celui-ci résonne, on l'appelle le chant du loup , signe d'un danger de mort. Réputé infaillible, cet opérateur François Civil va pourtant mettre tout l'équipage en péril en l'entraînant dans une situation inextricable et dramatique, sur fond de dissuasion nucléaire. Des hommes liés par le même destin L'intrigue du film tourne autour de quatre militaires Omar Sy, Reda Kateb, Mathieu Kassovitz et François Civil et de l'équipage, qui se connaissent bien et entretiennent des liens d'amitié. Indéfectiblement unis par le même idéal, ils devront choisir entre le devoir, l'amitié et la mort. Dissuasion nucléaire. Les sous-mariniers sont des hommes de guerre qui ont une mission de paix par la dissuasion », note Baudry. Le chant du loup n'est pas seulement un film d'action - alimenté par de superbes images à l'intérieur et à l'extérieur du sous-marin -, c'est une confrontation entre des hommes liés par le même destin et qui partagent la même confiance, le même dévouement. Oreille d'or est leur boussole. Lui seul sait quand il y a une menace. Suivre ses intuitions peut le conduire à désobéir, à sortir du système, tant la pression sur ses épaules est forte. L'entendre dire dans le film J'ai entendu de la vie à bord », et imaginer qu'un son donne une image dans la tête de quelqu'un est, pour Antonin Baudry, l'idée la plus cinématographique que l'on puisse imaginer. Dans la lignée de la scène de "L'Atalante", de Jean Vigo, quand le héros [Michel Simon, NDLR] revoit la femme qu'il aime ». Ce Chant du loup, le réalisateur le considère comme une tragédie grecque à 500 mètres sous la mer. Les personnages sont directs, sans fard, dit-il. Pas de ficelles, de faux-semblants ni de psychologisme. J'avais le réel sous la main pour mettre en scène cette dramaturgie. Le tournage a duré onze semaines et c'était très intense ». Pour les scènes tournées à l'intérieur du sous-marin, Antonin Baudry a fait appel à une chorégraphe, afin de permettre aux acteurs et aux figurants de se mouvoir le plus harmonieusement possible. Pour alimenter son histoire, il avait en tête l'image de ces sous-mariniers qui ne sont pas enfermés dans un moule. Ce sont des individus peu conventionnels, encouragés à être eux-mêmes, très divers et qui sont comme ils sont des petits, des grands, des gros, des maigres, des bègues, des beaux parleurs. Tout ce qui divise les gens dans le monde de la surface - la politique, la religion, les origines - n'existe pas chez eux. C'est à la vie, à la mort. Et, s'il y en a un qui merde, tout le monde peut y passer. D'où une solidarité très forte. » Un gros budget Installé dans les bureaux parisiens de Pathé, l'intéressé, 84 ans, affiche un enthousiasme de jeune homme Ça m'a tout de suite plu,sans doute parce que j'ai fait mon service militaire dans la marine nationale. Pourtant, cette fiction sur la dissuasion nucléaire n'est pas un sujet facile. Ce n'est pas une comédie. Producteur est un métier d'instinct parce qu'au début il n'y a qu'un script, un auteur et beaucoup d'inconnues. Un film, c'est toujours un prototype. » Jérôme Seydoux n'a donc pas hésité à mettre 17 millions d'euros sur la table. Pour un film français, avoue-t-il en souriant, c'est un gros budget. Et, pour un premier film, c'est un très gros budget. Mais j'y crois. Antonin Baudry s'est donné à fond. C'est un perfectionniste. » Content du résultat, le producteur des films de Dany Boon, Pedro Almodovar, Oliver Stone et Paolo Sorrentino entend prouver que ce genre de film d'action, les Français peuvent le faire à leur façon, suivant une intrigue classique mais avec une mise en scène différente ». On reparlera d'Antonin Baudry, ce n'est pas le cinéaste d'un seul film », pronostique Jérôme Seydoux, homme d'expérience et d'instinct. Suspense sous-marin Le chant du loup , d' Antonin Baudry, avec Omar Sy, Reda Kateb, Mathieu Kassovitz, François Civil, Paula Beer… Dès les premières images, lors d'une opération des nageurs de combat en Méditerranée, on est plongés au cœur de l'action. Dans le poste de commandement d'un sous-marin, chacun s'active pour les récupérer en mer. Suspense l'Oreille d'or excellent François Civil a repéré un bruit suspect, ce chant du loup » qui annonce un danger imminent… Un premier film très réussi d'Antonin Baudry, qui nous emmène dans un monde à part, celui d'un sous-marin nucléaire où l'on joue sa vie et où personne ne triche. Omar Sy, Reda Kateb et Mathieu Kassovitz sont à la hauteur de leur mission. En salles le 20 février. W. Pour monter financièrement ce film ambitieux, il ne restait plus au cinéaste débutant de 40 ans Antonin Baudry – qui avait suivi tout de même une formation accélérée avec Bertrand Tavernier sur le tournage de Quai d'Orsay – qu'à convaincre le grand producteur Jérôme Seydoux de s'embarquer dans l'aventure. Major Sébastien On n'a pas le droit à l'erreur » Engagé à 18 ans dans la marine nationale, devenu sous-marinier par vocation, le major Sébastien, 42 ans, basé à Toulon, a obtenu son brevet d'analyste en 2005, après un an de formation. C'est une Oreille d'or capable d'identifier le moindre bruit, matériel ou naturel, dans le milieu sous -marin qui n'est pas du tout le monde du silence de Cousteau », remarque-t-il. Dans un sous-marin, par nature aveugle, tout se fait au son. L'ouïe se travaille comme la gymnastique, souligne-t-il. A partir d'une base de données acoustiques, il faut ensuite mémoriser tous ces sons, entraîner notre oreille à distinguer et identifier ceux qui nous intéressent, reconnaître leur nature, leur provenance. » L'Oreille d'or et son équipe rendent compte au commandant, qui prend ensuite ses décisions. Leur rôle est très important. Il faut être capable d'indiquer que tel bruit peut être dangereux, que tel autre est un phénomène acoustique naturel, une baleine, un tremblement de terre... » Connaissance, expérience et intuition trois qualités indispensables à l'analyste auxquelles il faut ajouter des réflexes et une part de doute aussi. Quant au stress, c'est un bon moteur ». Pour ce sous-marinier, la machine ne fait pas tout. Seuls l'oreille et le cerveau sont capables de décomposer le son, d'en identifier la substance. Par chance, l'humain est encore là pour longtemps » Major Sébastien On n’a pas droit à l’erreur » Engagé à 18 ans dans la marine nationale, devenu sous-marinier par vocation, le major Sébastien, 42 ans, basé à Toulon, a obtenu son brevet d’analyste en 2005, après un an de formation. C’est une Oreille d’or capable d’identifier le moindre bruit, matériel ou naturel, dans le milieu sous -marin qui n’est pas du tout le monde du silence de Cousteau », remarque-t-il. Dans un sous-marin, par nature aveugle, tout se fait au son. L’ouïe se travaille comme la gymnastique, souligne-t-il. A partir d’une base de données acoustiques, il faut ensuite mémoriser tous ces sons, entraîner notre oreille à distinguer et identifier ceux qui nous intéressent, reconnaître leur nature, leur provenance. » L’Oreille d’or et son équipe rendent compte au commandant, qui prend ensuite ses décisions. Leur rôle est très important. Il faut être capable d’indiquer que tel bruit peut être dangereux, que tel autre est un phénomène acoustique naturel, une baleine, un tremblement de terre... » Connaissance, expérience et intuition trois qualités indispensables à l’analyste auxquelles il faut ajouter des réflexes et une part de doute aussi. Quant au stress, c’est un bon moteur ». Pour ce sous-marinier, la machine ne fait pas tout. Seuls l’oreille et le cerveau sont capables de décomposer le son, d’en identifier la substance. Par chance, l’humain est encore là pour longtemps »§ W. Julien Panié x6